Le Cancre

Posted by on Oct 29, 2011 in Histoires, Juliette / Brassens..., L | 0 comments

Il n’avait jamais brillé au cours d’arithmétique
Mais pour c’qui était d’compter fleurette il avait comme un don
C’n’était jamais le premier d’la classe d’mathématiques
Mais en matière de conquêtes c’était l’plus fort en addition

Y’a des bulletins de notes qui forcent l’admiration

S’il frisait la nullité en leçon de géographie
Pour trouver l’amourette il avait l’sens d’l’orientation
C'eût été trop lui d’mander de situer la Russie
Mais il n’battait jamais en r’traite si une belle lui disait non

Y’a certains accessits qui auraient plu à Napoléon

Pour les dat’s à retenir il avait bien pauvre mémoire
C’n’était pas un adept’ des guerr’s ni des révolutions
Mais dès qu’il s’agissait d’séduire c’était une tout’ autr’ histoire,
Il en avait toujours un’ de prête pour faire abdiquer la Suzon

Y’a des prix d’excellence qui s’décrochent derrièr’ les buissons

Le latin, mes amis, il n’en faisait qu’à sa guise
Les langues mort’s, aux oubliettes, la sienne vivait à foison
Veni, vidi, vici, c’était bien là sa seule devise
Aux jeux du cirque, pas si bête, c’était lui l’empereur et le lion.

Y’a vraiment des bons points qui ont échappé à Néron

Les sciences dites naturelles l’étaient fort peu dans sa culture
Mais pour l’étude du squelette, de son corps il faisait don
Il n's'intéressait qu’à celles qui font monter le mercure
De ces sciences désuètes qui s’étudient sous l’édredon

Y’a ceux qui réfléchissent et ceux qui passent à l’action

En français, faut l’avouer, dès que sa plume touchait l’encre
L’orthographe dev’nait obsolète, adieu la conjugaison
Son av’nir était tout tracé dans les ornières d’un cancre
Mais qu’importe, comme disait Suzette, “Pour moi, il a tout bon”

Y’a qu’une vraie récompense, celle décernée par Cupidon 

Pour la discipline, le sport, là il n’y avait pas de problème
Il était toujours en tête, en course, en saut, en natation,
Si j’osais une métaphor’, au milieu d’un harem
C’eût été un bel athlète, pour ne pas dire un étalon

Y’a que la première place qui compte, cré nom de nom !

Et pour c’qui était de croquer la courbe féminine
Lui c’était la vedette, en deux coups de crayon,
Le maître en dessin, médusé, face à cet artiste légitime,
Reconnut là, homme honnête, qu’il atteignait la perfection

Et c’est ainsi que fut admis le premier cancre au Panthéon

 


© 2011 Jean-Marc Lagniel

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